Google louvoie ? Gardons le cap sans eux !

Quand on pèse 60% du marché des navigateurs, 80% de celui des adserveurs, 80% des SSP, 80% des DSP, je pense qu’on entre dans la catégorie des « plateformes structurantes ».
Selon le conseil d’analyse économique, est structurante « une entreprise qui détient un pouvoir de marché structurant – en raison de l’importance de sa taille, de sa capacité financière, de sa communauté d’utilisateurs et/ou des données qu’elle détient – qui lui permet de contrôler l’accès ou d’affecter de manière significative le fonctionnement du ou des marchés sur lesquels elle intervient ».

Google est une entreprise structurante sur le marché de la publicité en ligne, c’est indéniable.

Bref, quand Google renifle, la monde de l’adtech éternue.

Une décision comme l’arrêt des cookies tiers dans le principal navigateur internet du marché ne devrait pas être prise et annoncée par une société privée. L’annonce, 18 mois plus tard, d’un délai de deux ans non plus.

OK, Google est privé, ils font ce qu’ils veulent. C’est vrai pour toutes les entreprises, mais cet a priori se heurte à la taille des entreprises, et à leur pouvoir structurant.

« Un grand pouvoir implique une grande responsabilité ». Qui a dit ça le premier ? Spiderman ? Son oncle Ben ? Le narrateur de la BD ? Voltaire ?
Aucun de ceux-là ! Il semble que la première citation se trouve dans un texte de la convention nationale Française en 1793 « une grande responsabilité est la suite inséparable d’un grand pouvoir ».

Les conséquences de cette annonce sont gigantesques pour des milliers d’acteurs adtech de toutes tailles. De même que l’annonce de la disparition des cookies tiers le 15 janvier 2020 avait fait l’effet d’une bombe. Le cours d’une société comme Criteo avait perdu 15% en une journée !
Je ne parlerai même pas des conséquences pour de plus petites entreprises, comme Implcit.

Des milliards de dollars sont en jeu ! Et celui qui annonce ce report, ce n’est pas le CEO de Google, ni le vice-président advertising, non, c’est un simple directeur, comme il doit y en avoir des milliers, Vinay Goel, Privacy Engineering Director, Chrome. Oui, Chrome ! Même pas Google advertising !

En gros, un ingénieur, parce qu’il n’arrive pas à gérer les conséquences d’une décision de 18 mois, annonce au marché qu’il lui faut deux ans de plus ! J’ose espérer qu’il n’a pas pris cette décision tout seul… D’ailleurs, dans un mouvement inverse de 2020, le cours de Criteo a pris +15% depuis jeudi !

Google n’a pas pris la pleine mesure de son gigantesque pouvoir. Je ne vais pas leur demander de lire le rapport de la convention nationale française de 1793, mais peut-être juste de regarder Spiderman !

Pourtant, on est tous d’accord, Chrome n’existe que pour influer sur le marché publicitaire, hein ? Donc ils savent que leurs décisions ont pour but d’impacter le marché.

Faire faire ce type d’annonce par un simple directeur, c’est chercher à minimiser le rôle structurant de Google. Dans un contexte d’analyse par différentes autorités de la concurrence, ce n’est pas idiot. Mais personne n’est dupe !

Ce type de décision structurante ne devrait pas être prise par Chrome, ni même par Google. Elle devrait être le résultat d’une délibération d’un organisme dont le rôle est, justement, de structurer le marché.

C’est l’IAB qui aurait dû annoncer ce délai. C’est même l’IAB qui aurait dû décider de ce report.

Maintenant que le mal est fait, que faut-il faire ?

Faut-il continuer scruter les décisions de Google, et à s’adapter constamment à leur bon-vouloir ? « Ne laissons pas Google dicter le tempo et passons dès aujourd’hui au cookieless » écrit Antoine Ripoche dans le Journal du Net.

Les entrepreneurs ont pour beaucoup une caractéristique commune : on avance droit, et on perd le moins de temps possible à regarder ce que font les concurrents. Il faut s’adapter au marché, bien-sûr. Mais passer son temps à changer ses plans, c’est à la fois épuisant et contre-productif.

Tout le monde n’est pas entrepreneur. Mais toutes les entreprises ont le droit de piloter leur destin. Google change d’avis sur les cookies ? Ils vont peut-être encore choisir une autre option ? Un autre calendrier ?

Et alors ? Passons-nous des cookies. On se passera ainsi de la dépendance à Google. Comme l’écrit Antoine Ripoche, « [les annonceurs] allaient faire le changement quoi qu’il arrive, autant continuer dans cette direction ».

L’annonce de Google de 2020 a secoué le cocotier de l’adtech. De bonnes questions ont été posées. Le respect de la vie privée n’est maintenant plus négociable. Continuons dans cette voie. Anticipons l’évolution inéluctable vers de « dataless » . Pas de cookies, pas de data. Anticipons, au lieu de subir le prochain soubresaut d’un ingénieur de Chrome.

Continuons d’inventer le monde d’après.

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