Contextuel : vers une meilleure redistribution pour les éditeurs ?

La publicité de 2021 sera contextuelle ou ne sera pas.

Certes, il y aura du ciblage, des data, du first party, des emails hashés, des tourterelles. Mais quelle part des inventaires du « monde libre » (entendez hors GAFA) sera achetée sur ces bases ? 
Même en TV connectée (qui y voit pourtant une immense occasion de développement), «  Moins de 25% [des français] à l’horizon 2021 » selon Vincent Salini de France Télévision.  Si on prend en compte l’évolution des box, on montera peut-être à 30%, 50% dans 20 ans ?

Le web perd ses cookies, le mobile IDFA. Les oiseaux sont lourds. Le web et les apps ne seront pas majoritairement ciblables.
Et encore, quand on parle de la population, on ne parle pas des volumes publicitaires. 
De plus, s’il est potentiellement possible de cibler un individu, quelle part de son inventaire est réellement ciblable ? La moitié ? Rappelons qu’il faudra que tous les acteurs de la chaîne arrivent à collecter des emails (ou téléphone) ET obtenir le consentement pour l’utiliser dans la publicité ET synchroniser leurs identifiants…

Si on se place dans le cas le plus optimiste pour les cibleurs, on obtient l’équation suivante : La moitié (au mieux) de l’inventaire servi à la moitié (au mieux) des individus pourra être ciblée.

On arrive donc à un potentiel maximal de 25% du volume publicitaire (TV et digital hors GAFA) qui pourra être ciblé.
Le reste, la grande majorité, 75% minimum, mais peut-être même 90% qui sait ?, devra être acheté avec ce qu’on appelle le contextuel. Ah, con.text.uel, le buzz word de 2020 !

Qu’est-ce que le contextuel ? Tout ce qui est commun à tous les individus :

  • l’URL ou le programme TV
  • L’heure, le jour
  • Le support technique (modèle de télévision, navigateur internet, la taille de l’écran parfois)
  • Les formats publicitaires

Qu’est-ce qui n’est pas contextuel ? Tout ce qui est spécifique à un individu :

  • Son profil déclaratif
  • Ses informations personnelles (email, téléphone)
  • Son historique de navigation (web) ou ses habitudes de consommation (télévision)
  • La fréquence et la récence auxquelles il a été exposé précédemment à la campagne
  • Sa localisation géographique précise

Chaque source de donnée de ciblage a créé son propre écosystème avec ses acteurs qui collectent et revendent des profils, des comportements, des bases d’emails, des bases d’IP géolocalisées… Et on a souvent besoin de toutes les activer pour multiplier les chances de vendre son inventaire.

Petit à petit, la data a pris une part de plus en plus importante de la chaîne de valeur. Aujourd’hui, 50% du budget d’achat est capté par les data. De nombreuses analyses présentent le solde restant aux éditeurs : environ 40% du prix payé par l’annonceur revient in fine à l’éditeur. 
OK, celui-ci peut recevoir une contrepartie du fournisseur de data qui lui a acheté ses data. Mais l’ordre de grandeur de 50% qui arrivent dans la poche de l’éditeur constitue je pense une bonne approximation.
On le voit, le contextuel n’a pas la même diversité de contenus que la data. Les intermédiaires seront donc moins nombreux.

Le taux de prélèvement de ces intermédiaires sera donc inférieur à ce qu’il est aujourd’hui avec la data. 25% au lieu de 50% ? A la grosse louche, pourquoi pas ?

Astérix et Cléopatre (OK, je n’ai pas les droits, mais j’adore tellement cette blague !
Mes garçons la citent à chaque fois qu’ils doivent couper un gâteau…)

Mais, me diront certains esprits chagrins, la valeur d’un contact ciblé est bien supérieure à celle d’un contact non ciblé ! Les annonceurs vont donc réduire leurs investissement publicitaires !
Ces esprits chagrin n’ont pas complètement tort. Il y aura des arbitrages, et certains média se verront certainement revalorisés.  Mais pensez-vous vraiment que les budgets des annonceurs vont diminuer ? La part du marketing dans les business B2C répond à des exigences indépendantes des média eux-mêmes, notamment concurrentielles. 

La manne que se partageront éditeurs, technos et fournisseurs de data et de contexte, cette manne se réduira peu (10%  au pire ?)sur les média digitaux et télévisuels.

En résumé, un éditeur qui gagne 50% de X aujourd’hui, gagnera :

  • 50% (part du budget pour l’éditeur) de 25% (volume publicitaire vendu avec des data) de X (budget annonceur identique lorsqu’il y aura des data) = 12,5%
  •  75% (part du budget pour l’éditeur) de 75% (volume publicitaire vendu en contextuel) de X – 10% (budget annonceur réduit) = 50,6%

Soit 12, 5% + 50,6% = 63% vs 50% aujourd’hui !
13% de revenus en plus ? Même avec une baisse de 25% des budgets (à laquelle je ne crois pas), on arrive à 54,7% du budget actuel des annonceurs. 

Et si le contextuel s’avérait une opportunité de croissance pour les éditeurs ?

Tout dépendra d’une variable d’ajustement. Dans tout cet article, j’ai parlé du «  monde libre » (hors GAFA). Quelle part de marché supplémentaire pourront-ils prendre ? Ils sont bien moins impactés par la fin du tout data. Mais le marché continuera-t-il de leur octroyer une part des budgets bien supérieure à leur part de marché des usages ?

Alors, face aux GAFA, le contextuel, planche de salut des éditeurs ?

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