Dans le monde d’après (les cookies tiers, pas la fin du monde), la majorité des internautes ne partagera plus ses données personnelles et de navigation.
Ils seront protégés par la loi qui impose déjà le recueil de leur consentement, et par leurs navigateurs, qui bloqueront tous les cookies tiers.
Bref, les internautes pourront se dire qu’ils ne sont plus trackés sans leur consentement. Leur légitime paranoïa publicitaire diminuera peut-être. Internet sera un lieu plus apaisé. Si les acteurs de la publicité en ligne ne reproduisent pas les mêmes erreurs, mais c’est un autre sujet…
Cette insouciance sera peut-être permise par le “sacrifice” de certains.
Si par défaut on ne peut pas mesurer le comportement des internautes, on a quand-même besoin d’information. Sans information, pas de décision éclairée. Sans information, pas de ciblage. Sans ciblage, pas de publicité. Sans publicité, presque plus aucun service internet, presque plus aucune information.
Alors, disposer d’un échantillon d’internautes dont le comportement est connu peut s’avérer clé pour le marché de la publicité digitale.
D’un certain point de vue, ces internautes sacrifient la protection de leur vie privée pour que tous les autres la protègent.

En sont-ils conscients ?
Les panels comme ceux de Médiamétrie sont recrutés avec un contrat clair : leur comportement est mesuré anonymement, et les données servent à toute l’industrie.
Savent-ils qu’ils sont mesurés ?
Lorsqu’on vous demande d’installer un logiciel “meter” sur votre ordinateur, votre mobile et votre tablette, vous faites un acte volontaire, consciemment. Rien de comparable donc au tracking par cookies qui se fait dans votre dos, ni au cookie-matching qui permet l’échange de vos données entre différents fournisseurs, voire entre différents appareils.
Cette conscience impacte-t-elle leur comportement ?
Lorsque NetValue a créé le premier panel d’audience en France en 1998, Nico (cofondateur d’Alenty et d’Implcit) et moi étions déjà là. Je me souviens avoir passé des heures et des heures à analyser la base de données du panel. En plus des statistiques agrégées que l’on produisait, j’avais accès aux données individuelles.
Je n’avais aucune information personnelle évidemment, ça ne m’intéressait pas.
Non, ce qui est passionnant avec un panel, c’est qu’on voit l’activité réelle des panélistes. On peut suivre leur navigation. On se demande comment ils passent si vite du coq à l’âne. On voit les tendances apparaître, des sites nouveaux trouver leur audience, des comportements improbables émerger.
Et à en juger par la proportion de sites “pour adultes” que l’on voit dans les données des panels, je peux vous assurer que les panélistes ne modifient pas leur comportement parce qu’ils appartiennent à un panel.
En fait il faut trouver le bon équilibre entre “je sais que je suis mesuré” (et je donne donc un véritable consentement éclairé) et “j’oublie que je suis mesuré” (et je ne change donc rien à mon comportement).
Cette subtile alchimie met aussi en jeu un sentiment d’utilité.
Je n’ai jamais été chargé de recruter le panel, mais j’ai participé à de nombreuses réunions à ce sujet. Permettre à des milliards d’Euros d’être dépensés en publicité (c’est le cas pour les panels télé), donne à certains panélistes un sentiment de fierté.
J’imagine que c’est aussi un argument pour ceux qui testent des médicaments (la rémunération aussi, ne soyons pas naïfs)…
A cette source de motivation, on peut ajouter maintenant un certain sens du sacrifice. OK, ils ne sauvent pas des vies, ne donnent pas leur sang, n’aident pas les SDF.
Mais ils acceptent que leurs données soient mesurées pour justement, que celles des autres ne le soient pas.
Partager toutes les données sur son comportement digital, c’est utile pour la société.
Donc à tous les panélistes qui sacrifient la protection de leur vie privée, pour protéger la nôtre, merci !