
Nous sommes en 2030. Cela fait maintenant six ans que Chrome a arrêté les cookies tiers.
Cette décision a eu un effet mondial sur la prise de conscience que la publicité doit respecter la vie privée. La plupart des états ont instauré des lois qui s’inspirent du RGPD Européen.
La télévision, le digital, la radio et l’affichage ont fusionné dans un seul grand média numérique. Leurs anciennes caractéristiques ne sont plus que des modalités (video, image, son, texte), comme l’étaient les formats (300×250, preroll…) du temps où le digital était un média à part.
La mesure et l’activation ont fusionné chez des acteurs comme Google. La chute de Facebook a néanmoins montré qu’un contrôle indépendant restait indispensable. Mais dans tous les cas, la mesure est intimement liée à l’activation, même lorsqu’elle sont opérées par des sociétés différentes.
Les transactions sont intégralement automatisées (“programmatiques” disait-on il y a dix ans). Il y a toujours des accords, des négociations, mais les activations, les optimisations (à la vente comme à l’achat) sont automatiques.
Le monde de la publicité est entièrement géré par un savant mélange de data utilisateurs et de statistiques.
On distingue trois catégories :
- Les data utilisateurs fondées sur des identifiants (telco, ids unifiés, first party…)
- Les systèmes statistiques qui généralisent des résultats recueillis sur des échantillons (panels, identifiants, navigateurs…)
- Les systèmes qui n’utilisent aucun identifiant, et raisonnent sur des statistiques macro (Marketing Mix Modeling, économétrie…)
Méthode | Avantages | Inconvénients |
---|---|---|
Data utilisateurs | Granularité Causalités | Couverture réduite Données partielles |
Échantillons | Causalités Exhaustivité des données | Statistiques Granularité |
Macro-analyses | Fiabilité des données | Corrélations et pas causalités Granularité |
Même s’ils ne forment plus qu’un seul marché, les anciens médias restent techniquement différents. Il existe donc des données radio, télévision, digital. Des panels mesurent toujours la consommation dans les magasins. D’autres sont interrogés sur leurs intentions, leurs attentes.
Les mesures directes parviennent à fournir des données exhaustives, mais uniquement sur des comptages de diffusion. Pour obtenir des informations sur les profils des personnes exposées, ou pour cibler, il faut s’appuyer sur les données disponibles.
Grâce à elles, il est possible d’identifier qui consomme du yaourt, qui regarde telle série, qui consulte tel site. Toutes ces informations étaient auparavant en silos.
Aujourd’hui, on a toujours des systèmes hétérogènes, mais ils sont tous reliés.
Parfois des identifiants communs permettent cette liaison. Mais comme tous les identifiants, leur couverture reste limitée. Alors entrent en jeu les méthodes de généralisation. Par exemple, des jumeaux statistiques sont créés pour boucher les trous. Ou des techniques de lookalike permettent de propager des informations sur les parties des échantillons qui ne sont pas communes.
D’autres fois, des comportements communs sont mesurés dans des échantillons différents. Et ces variables de pont permettent de simuler des identifiants. Ces méthodologies de fusion de données permettent de relier par exemple un panéliste consommateur avec un panéliste média.
Ainsi, cibler les consommateurs de yaourt (source panel conso) en format video (sur tous les écrans, de la télévision, à l’ordinateur, à la console et au téléphone) est aussi simple que de cibler en audio (sur la radio, sur des podcasts), les individus intéressés par des vacances en Égypte (source panel digital), ou exposer (sur des panneaux d’affichage ou des bannières sur des sites) les individus exposés à une publicité vidéo (source panel télévision ou digital).
Le marché est parvenu à créer un “panel” virtuel exhaustif, dans lequel, par modélisation, tous les comportements media et consommation, sont associés à des “panélistes” réels ou fictifs.
Au centre de ce système complexe, le “panel” digital, devenu un hub pour toutes les autres sources. Les “panélistes” digitaux apportent en effet des données de comportement et de centres d’intérêts aux autres échantillons. Ils permettent une variété infinie de ciblages. Et ils offrent aussi un maximum de variables de ponts pour les relier aux autres sources.
Au final, l’hétérogénéité des mesures est masquée par des méthodes statistiques qui offrent un grand single source.
Ainsi, tout en respectant la vie privée, le marché publicitaire est parvenu à unifier ses pratiques.