Mon précédent article ne devait être qu’une introduction à un article sur le clic qui aurait dû être celui-ci.
Ben, c’est encore raté, ma petite digression d’introduction a donné un article complet.
A la lecture de mon précédent article, vous comprenez facilement ce que je pense du clic : un indicateur qui a fait le succès de la publicité digitale, mais dont on a abusé, et qui a tiré les média vers le bas.
Je complète ce point de vue : le clic signifie qu’on a trouvé quelque chose de plus intéressant que le support (la page) sur lequel se trouve la publicité. C’est génial chez Google, parce que c’est le but : envoyer les visiteurs vers ce qu’ils cherchent. C’est très bon aussi chez les réseaux sociaux, parce que par définition les contenus sont produits par les visiteurs, et donc gratuits pour le site.
Mais c’est la plaie des sites média, qui dépensent pour produire des contenus, et ne seraient rémunérés que lorsqu’on les trouve moins intéressants que les pubs !
On arguera qu’il n’y a pas que les clics dans la vie, qu’il y a le post-view aussi ! Et bien parlons-en du post-view !
Je ne sais pas si le mec qui a inventé ce terme est le même que celui qui a pondu le True View de Youtube, mais les deux méritent un Oscar du marketing et un Nobel du détournement de sens !
Ok, ce n’est pas parce que j’ai inventé la visibilité publicitaire (avec Nico), viewability en anglais (très bon néologisme qui n’existe que pour désigner la publicité, mais qu’on n’a pas inventé). Bref, je m’égare.
Ce n’est pas pour ça que je suis très à cheval sur le terme « view ». C’est juste que ce terme correspond à une notion de voir, on est d’accord ? Et bien dans le post-view, il n’est absolument pas question de voir, ni de visbilité.
Au contraire !
Rappelons ce que ce c’est. Une visite post-view est une visite qui suit (dans une fenêtre de quelques jours habituellement) une publicité. Techniquement, on sert une publicité à un internaute, on lui pose un cookie, et s’il visite le site ensuite, on le reconnaît grâce au cookie, et on crédite la publicité pour une partie de la valeur de la visite (une partie seulement car il peut y avoir plusieurs pubs, des clics, etc.).
Vous remarquerez que j’ai écrit « on sert une publicité », pas « il voit une publicité ». C’est là tout le hic !
Il suffit que la publicité soit servie pour être comptée en post-view. Pendant mes années à prêcher dans le désert, on m’a sorti plusieurs fois « mais s’il a reçu une pub, même s’il ne l’a pas vue, ça a contribué à sa visite, non ? ». Et bien non, non, non ! Une pub invisible ne sert à rien !
Si vous êtes un acheteur (trading desk ou agence), comment pouvez-vous optimiser une campagne en post-view ?
Deux méthodes.
Première méthode. Vous cherchez à toucher une cible qui sera intéressée par le site de l’annonceur. Vous lui servez de la pub, vous espérerez qu’elle sera vue, et qu’elle participera à le convaincre d’aller visiter le site plus tard. C’est la justification théorique du post-view. Espérons qu’elle corresponde à une partie de la réalité.
Deuxième méthode. Trouver des gens intéressés par un produit ou un service, c’est dur ! Pourquoi se faire chier ?
Si le site correspond à un besoin grand public, il est probable qu’une part non négligeable des internautes iront le visiter. Je rappelle que vous êtes une trading desk ou une agence, et que la campagne que vous gérez ne représente qu’une partie de la stratégie marketing. Il y a aussi du search, du social, et la marque elle-même peut être déjà connue du public. Donc, même que vous ne fassiez rien, une partie du public va visiter le site.
Comment en bénéficier ? C’est tout simple, il suffit d’avoir servi une pub à ces gens-là avant leur visite ! Et comment qu’on fait ça ma p’tite dame ?
Avec une sulfateuse ! Dans le jargon publicitaire (enfin, le mien), la sulfateuse est l’outil qui permet d’asperger de la publicité à un maximum de monde. Sans ciblage. C’est donc l’inverse de la première méthode. On ne cible pas, on arrose large.

Si tous les navigateurs du royaume ont le cookie qui va bien, tous les visiteurs du site auront été « exposés » à la campagne. Et donc, le trader, petit malin, sera félicité pour sa contribution aux visites sur le site ! Que les visiteurs soient venus grâce à lui ou pas. C’est le cookie qui compte. Il suffit d’avoir du bol pour gagner !
Oui mais, direz-vous (vous suivez bien, je vous félicite), ça coûte cher de toucher 100% de la population !
Ca dépend, il existe des espaces publicitaires pas chers, que l’on peut acheter pour quelques centimes de CPM. Et quels sont ces espaces ? Je vous le donne en coup pour mille. Ce sont les espaces les moins visibles !
Prenons un exemple chiffré fictif pour donner un ordre de grandeur. A 1 centime de CPM, il ne faut que 10 € pour un million de pubs. Donc 1 000 € pour 100 millions de pubs de merde (dans le jargon de la pub, ça veut dire pas visible). Avec ça, on peut toucher 100% des français (merci le capping, que l’on pensera à mettre à 1, il suffit d’une seule pub invisible pour déposer le cookie). Supposons que le site fasse 100 000 visiteurs, et que l’on reçoive un bonus de 10 centimes par visite post-view. On sera donc crédité en théorie de 10 000 € de bonus, pour 1 000 € dépensés ! C’est une martingale, même si mon prof de finance préféré m’a bien expliqué que les martingales n’existent pas (ou ne durent pas). Cet exemple extrême permet de voir à quoi mènent de mauvais indicateurs.
Donc le post-view conduit mécaniquement, et rationnellement (les traders ne sont pas cons), à acheter des publicités non visibles !
CQFD.
Et ça s’appelle « post-view ». Je vous l’ai dit, le gars mérite le prix du marketing pour ce nom. Post-view, non visible, vous voyez le détournement de sens ?
Attention, je ne dis pas que le post-view est pire que le clic. En théorie le post-view a le bon goût de ne pas détourner le lecteur de son article. La qualité éditoriale n’est donc pas un frein à l’efficacité, comme l’est le clic.
En soi, le post-view aurait même pu être un excellent indicateur. Il aurait pour cela suffit qu’on fasse correspondre la méthode au nom. Un vrai post-view, post impression visible, ou post viewable impression, ça, j’aurais aimé. On aurait eu la preuve que la publicité a certainement participé à la visite sur le site de l’annonceur. L’internaute voit la pub, le lendemain il visite le site, on peut se dire qu’il y a probablement un lien.
Le vrai post-view aurait permis aux média de mettre en avant la qualité de leurs contenus (les pubs sont plus visibles sur des contenus de qualité). A la différence du clic, il n’aurait pas donné de prime à la médiocrité.
Malheureusement, je n’ai pas réussi à changer le marché sur ce point. Tout le monde avait trop à perdre : les acheteurs qui avaient leur martingale, et les sites, qui pouvaient sans scrupule vendre des espaces peu visibles.
Mais ce n’est pas trop tard me direz-vous (vous êtes toujours là, merci !) !
Ben si. Le post-view (le vrai, visible, comme le bidon, invisible) a besoin de cookies tiers. Avec la suppression de ces cookies tiers, le post-view ne va fonctionner que sur un nombre de plus en plus réduit de contacts publicitaires. Et le monde de l’adtech aura d’autres chats à fouetter (fusionner des bases de cookies first party avec des listes d’emails par exemple) pour ne pas vouloir s’attaquer à réformer le post-view.
Le vrai post-view (visible) sera, comme bébé, jeté avec l’eau du bain des cookies tiers.
2 réflexions au sujet de « La fin du post-view, une grosse perte ? »