Trainspotting, de Danny Boyle l’un de mes films cultes.
Mark Renton (Ewan Mc Gregor) décide de se sevrer tout seul de l’héroïne. Il fait des courses pour tenir trois semaines enfermé chez lui. Il va même jusqu’à clouer des planches sur sa porte d’entrée pour s’empêcher de sortir !
Le plan suivant montre les planches arrachées : avant de commencer sa désintox, il a besoin de se faire un dernier fix !!!

J’ai le sentiment que le marché de la publicité digitale se comporte comme Renton. Tout le monde sait qu’il faut se débarrasser des data. Tout le monde le lui dit. Mais tous les projets que je vois tournent autour des précieuses data.
Ce marché est piquousé à la data. Et il n’arrive pas à en sortir.
Pourtant les signaux se multiplient sur leur dangerosité (certains annonceurs ne veulent plus prendre le risque d’utiliser des data de leurs clients) ou leur caractère illégal (êtes-vous sûrs que vos data ont été collectées en respectant le RGPD ?).
Comme la dope, les data sont de plus en plus dures à trouver. Il ne reste que sur Chrome qu’elles existent encore, pour un an seulement ! Bientôt il faudra aller dans les zones reculées des navigateurs improbables pour en trouver ! Ou s’enfoncer dans les bas-fonds du server-side, où tous les coups sont permis sans aucun contrôle et où on vous servira de la data coupée à la fraude.
Pourtant, vous le savez que ce n’est pas bon pour vous, pas bon pour l’industrie (le régulateur va encore frapper), pas bon pour la planète (les data consomment énormément de serveurs) !
Alors pourquoi vous n’arrivez pas à arrêter ?
Comme la dope, il est difficile d’arrêter les data.
Comme la dope, les data vous ont fait apercevoir un paradis artificiel. La promesse était fausse dès le début : on vous disait que les data étaient parfaites, on vous vantait leur facilité d’utilisation.
Maintenant vous savez qu’elles ne sont pas déterministes, vous savez que les répétitions sont fausses quand on les mesure avec des data, vous savez que poser des pixels pour collecter des données c’est la plaie. Vous savez. Mais vous n’arrêtez pas.
La drogue dure de la data disparaît ? Vous cherchez des traitements de substitution.
La méthadone de la data, ce ne serait pas les cookies first party ? C’est vrai, ils restent légaux (seuls les cookies tiers vont disparaître), ils font de l’effet (on peut capitaliser de l’information sur ses visiteurs), mais ils ne sont pas aussi dangereux que les cookies tiers (il n’est globalement pas possible de partager des data avec des cookies first party).
Est-ce qu’ils vous aideront à vous sevrer des data ?
D’une certaine façon, oui. Car vous verrez vite qu’un identifiant ne signifie pas obligatoirement que des informations utiles y sont attachées. Et que sans partage, la collecte de data pertinente devient le nouveau challenge.
Remplacer les data actuelles par une autre drogue dure ? Les identifiants universels sont présentés comme encore plus purs que les cookies tiers. Un email est plus dur à effacer, un email est plus personnel. C’est le crack de la data.
Comme le crack, il n’en faut pas beaucoup pour être accro. Les identifiants universels ne seront jamais très nombreux, il faut donc que leur effet soit le plus fort possible. S’ils couvrent 20% du marché, il faudrait vraiment que leurs effets soient incroyables pour que l’industrie publicitaire tout entière s’en satisfasse !
Les data clean room ? Des salles de shoot où on peut se piquer aux data proprement !
Bref, j’en ai marre de voir mes potes se shooter aux data, ne pas réussir à décrocher, et se ruer sur toutes les nouvelles molécules de synthèse que de petits chimistes de startups leur inventent !
Mes amis, sevrez-vous des data ! Faites-en un usage récréatif (je développerai ce que j’entends par là bientôt), mais arrêtez d’en faire l’épicentre de votre vie !
Comme la dope, l’absence de data fait peur. Le sevrage peut être violent. On doit se former à de nouvelles méthodes, apprendre de nouveaux concepts (c’est quoi une affinité ?). On doit prendre le risque de se planter parce qu’on ne sait pas vivre sans elles.
Mais le sevrage, ça ne dure qu’un temps. Et tous les anciens drogués vous le diront : ils auraient dû commencer plus tôt.
Plus vite c’est passé, plus vite on est débarrassés !