Ça faisait longtemps que je n’avais pas parlé de la répétition dans ces colonnes. Malgré “Non au capping en contextuel“, “Répétition et clics“, “Répétition : l’occasion ratée de l’industrie publicitaire“, “Non la gestion de la répétition n’est pas le capping“, “Les répétitions sont fausses, même (et surtout) avec les cookies“, “De l’espoir côté capping“, “Le mirage du capping“, il me reste des choses à dire.
Pourquoi la répétition est-elle nécessaire en publicité ?
Les travaux de recherche en neurosciences l’ont démontré à maintes reprises : plus une information est répétée, plus le cerveau a des chances de bien la mémoriser. C’est aussi une des bases de l’enseignement : répéter, répéter, répéter.
Ce n’est pas cet aspect de la répétition que je vais regarder ici.
En analysant les bêta de Morgenstern sous un angle différent, on constate qu’une seule exposition dans des conditions idéales procure déjà un effet mesurable de mémorisation. Le bêta du cinéma est de 75%. En d’autres termes, 75% des personnes exposées à un message publicitaire au cinéma le mémorisent.
Ce taux n’est que de l’ordre de 18% en télévision, et autour de 6% pour le digital.
Qu’est-ce qui explique de telles différences ? Au cinéma, avec le son à fond, l’écran qui occupe tout le champ visuel, les fauteuils bien orientés, on ne peut pas louper le message à moins d’être en train d’embrasser sa voisine. De là à conclure que 25% des gens au cinéma se roulent des pelles pendant la pub, il y a un pas que je me garderai de franchir.
A la télévision, l’écran est plus petit, le son peut être coupé, il suffit d’être dans la pièce, et on peut faire autre chose, pas seulement emballer sa chérie. Il se peut donc que l’on ne soit pas en train de regarder l’écran, que l’on soit concentré sur autre chose. Il est donc très possible qu’on ne regarde pas attentivement le message publicitaire, que, rappelons-le n’a pas été demandé par le spectateur.
Donc est-ce la télévision qui est intrinsèquement moins efficace que le cinéma ? Non, ce sont les conditions réelles de l’exposition publicitaire qui sont moins propices à la mémorisation. Je vous parie mon slip (français) que le bêta de mémorisation d’Alex dans Orange Mécanique devant sa télé serait au moins aussi bon qu’au cinéma :

On ne peut pas en dire autant de la radio (qui ne met en jeu qu’un sens, l’audition) ou de l’affichage papier (qui n’utilise ni le son ni le mouvement).
Pour le digital, les conditions de l’exposition publicitaire sont encore plus complexes :
- l’écran est plus petit qu’une télévision
- La publicité peut ne prendre qu’une partie de l’écran
- elle peut ne pas être visible (si, si, je vous assure, ça arrive encore 😝)
- elle peut ne pas être diffusée entièrement
La question de la taille de l’écran peut se résoudre assez facilement. Quand on compare les écrans de mobile, ordinateur et télévision, et qu’on les rapporte à la distance à laquelle on les regarde, on se dit que Thalès avait sûrement raison :
Ecran | Taille | Distance | Ratio Taille / Distance |
Mobile | 0,2 m | 0,3 m | 2 / 3 |
Ordinateur | 0,4 m | 0,6 m | 2 / 3 |
Télévision | 2 m* | 3 m | 2 / 3 |
Du point de vue géométrique, un mobile ou un écran d’ordinateur occupent au moins la même part de notre champ de vision que la télévision. La taille ne compte donc pas vraiment…
Ce sont donc les conditions d’exposition qui dégradent le bêta du digital. Donc même sur un mobile, Alex se souviendrait très bien d’une publicité visible, en plein écran et diffusée en entier.
De plus, malgré leur petite taille, les écrans des mobiles et des ordinateurs bénéficient d’une concentration supérieure à celle de la télévision. Ce sont des objets (on les touche), des outils (on les utilise). On est donc souvent plus attentifs sur ces écrans que sur une télévision, qui est aussi un meuble.
Une publicité visible, diffusée en entier et qui occupe tout l’écran, autrement dit dans des conditions optimales, a donc de très bonnes chances d’être mémorisée.
Dans ce cas, la répétition digitale a pour but, non seulement d’amplifier l’impact neuronal (comme tous les autres médias), mais de multiplier les chances d’être exposé dans des conditions optimales.
En termes de probabilités, c’est très facile à comprendre. Supposons qu’un publicité soit diffusée sur des supports dans lesquelles elle a 50% de chances d’être optimale (objectif atteignable si l’on choisit ses supports en fonction de leur visibilité, leur complétion et la part d’écran de la publicité (ou l’attention si on veut)).
La probabilité qu’au moins une publicité ait été vue de manière optimale se calcule ainsi :
Répétition | Qualité | Probabilité d’au moins une exposition optimale |
1 | 50% | 0,5 |
2 | 50% | 0,75 |
3 | 50% | 0,875 |
4 | 50% | 0,9375 |
5 | 50% | 0,96875 |
6 | 50% | 0,984375 |
7 | 50% | 0,9921875 |
On voit donc que, même pour un média imparfait (le digital), la répétition augmente mathématiquement la probabilité qu’une publicité soit vue de manière optimale et donc la probabilité qu’elle soit mémorisée.
La répétition publicitaire peut donc être modélisée comme une probabilité d’exposition optimale. Ceci ouvre des perspectives de pilotage de l’efficacité branding d’une campagne.
A suivre…